Cardinal de Hère
2020-08-08 05:21:58 UTC
<https://www.capital.fr/economie-politique/france-apres-une-depression-historique-pas-de-retour-a-la-normale-avant-2025-1376928>
Pour notre chroniqueur Marc Touati, économiste et président du cabinet
ACDEFI, la France s’est enfoncée dans une crise dont elle mettra très
longtemps à se relever.
Eh oui, même si l’on s’attendait à une forte baisse du PIB au deuxième
trimestre 2020 dans la quasi-totalité des pays du globe (à l’exception
de la Chine qui a subi cette sanction au premier trimestre), celle qui a
finalement été publiée a été encore plus impressionnante que prévu. Et
ce, en particulier en France. En effet, après avoir déjà baisse de 0,2 %
au quatrième trimestre 2019 (merci les grèves !), puis chuté de 5,9 % au
premier trimestre 2020 (avec « seulement » 14 jours de confinement), le
PIB français s’est effondré de 13,8 % au deuxième trimestre 2020. Au
total, sa régression atteint 18,9 % sur l’ensemble du premier semestre
et son glissement annuel s’écroule à - 19 %. Du jamais vu dans
l’Histoire contemporaine de la France.
Pour encore mieux mesurer l’ampleur des dégâts, soulignons que le niveau
du PIB français réel (c’est-à-dire hors inflation) du deuxième trimestre
2020 se situe sur un plancher depuis le deuxième trimestre… 2002 ! Non,
vous ne rêvez pas : les 55 jours de confinement national ont projeté la
France 18 ans en arrière. De plus, restons éveillés : en dépit d’un
rebond technique de rattrapage en juin, le redressement de l’économie
française sera lent et chaotique. En effet, n’oublions pas que le
déconfinement reste progressif et que, malheureusement, de nombreux
secteurs d’activité demeureront durablement en récession. A commencer
par le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’évènementiel, sans
oublier le transport aérien, l’aéronautique, mais aussi le luxe ou
encore l’automobile.
Il est effectivement inévitable que la grande majorité des consommateurs
mettra du temps avant d’acheter une nouvelle voiture, des biens de luxe,
mais aussi à prendre l’avion ou à séjourner dans un hôtel. De même,
avant de réinvestir massivement, les entreprises devront panser leurs
plaies et reconstituer une partie de leur trésorerie, ce qui, là aussi,
prendra du temps. En outre, n’oublions pas que les secteurs phares de
l’économie française sont justement le tourisme, le luxe, l’automobile
et l’aéronautique. Heureusement que les secteurs de l’agro-alimentaire,
de l’informatique et des services à la personne seront là pour limiter
les dégâts, même s’ils ne pourront évidemment pas permettre le retour de
la croissance forte.
Dans ce cadre, même en faisant l’hypothèse très optimiste d’un rebond du
PIB de 12 % au second semestre 2020, la variation annuelle moyenne de
celui-ci sera d’environ - 11,2 % sur l’ensemble de l’année 2020. Par la
suite, en restant toujours très optimiste et en supposant que le PIB
français connaîtra une croissance annuelle moyenne de 2,5 % à partir de
2021 (contre, rappelons-le, 1 % au cours des quinze dernières années),
la France ne retrouvera son niveau de PIB de la fin 2019 qu’en… 2025.
D’ici là, le taux de chômage augmentera durablement vers des niveaux
inconnus d’au moins 15 %. Pour mémoire, son sommet historique a été
atteint au deuxième trimestre 1994 à 10,8 %. C’est dire l’ampleur de la
crise sociale et sociétale qui nous attend.
Et ce d’autant plus que, dans le même temps, les déficits publics vont
également flamber sur des cimes inconnues d’environ 15 % du PIB, ce qui
amènera la dette publique vers des pics tout aussi inexplorés de 125 %
du PIB dès 2020. Dès lors, en dépit de l’aide de la BCE, qui sera
d’ailleurs de moins en moins efficace, les taux d’intérêt des
obligations de l’Etat français se tendront fortement, cassant de facto
la reprise et aggravant mécaniquement le chômage, les déficits et la
dette, ce qui alimentera par là même un cercle pernicieux de plus en
plus destructeur.
Malheureusement, la France est donc en train de tomber dans un scénario
catastrophe a priori irréversible : déjà structurellement affaiblie par
une croissance intrinsèquement molle, elle-même liée à un poids
exorbitant des impôts et une dépense publique massive et peu efficace,
la France a été frappée par une épidémie de coronavirus dramatiquement
meurtrière, mais aussi très mal gérée, en particulier d’un point de vue
sanitaire.
Une union sacrée ?
Tentant de rattraper son retard et sa gestion hasardeuse de la crise par
un confinement extrême, elle est alors tombée dans une récession, puis
une dépression historique, de laquelle elle sortira péniblement et
encore plus affaiblie. De la sorte, elle est désormais menacée par une
multiplicité de crises : sociales, politiques, financières et sociétales.
Face à cette « descente aux enfers » de notre beau pays, une question
demeure : est-il encore possible d’inverser la vapeur et de sortir par
le haut de cette spirale infernale ? Étant de nature optimiste (en dépit
de certaines apparences), je dirai que c’est encore faisable si une
prise de conscience nationale s’opère et qu’une sorte d’union sacrée
s’impose tant au niveau de la classe politique que des partenaires
sociaux et de la société française dans son ensemble.
Le problème est que cette dernière est tellement engoncée dans la
culture de la « lutte des classes », dans l’absence de patriotisme et
dans l’inculture économique que la probabilité d’une telle sortie de
crise est particulièrement faible. En d’autres termes, nous risquons
désormais de payer des décennies d’erreurs stratégiques et de déni de
réalité.
Marc Touati est économiste, Président du cabinet ACDEFI. Son dernier
livre « Un monde de bulles » est toujours en tête des ventes de sa
catégorie sur Amazon.fr. Son nouveau livre « RESET – Quel nouveau monde
pour demain ? » sortira le 2 septembre 2020
Pour notre chroniqueur Marc Touati, économiste et président du cabinet
ACDEFI, la France s’est enfoncée dans une crise dont elle mettra très
longtemps à se relever.
Eh oui, même si l’on s’attendait à une forte baisse du PIB au deuxième
trimestre 2020 dans la quasi-totalité des pays du globe (à l’exception
de la Chine qui a subi cette sanction au premier trimestre), celle qui a
finalement été publiée a été encore plus impressionnante que prévu. Et
ce, en particulier en France. En effet, après avoir déjà baisse de 0,2 %
au quatrième trimestre 2019 (merci les grèves !), puis chuté de 5,9 % au
premier trimestre 2020 (avec « seulement » 14 jours de confinement), le
PIB français s’est effondré de 13,8 % au deuxième trimestre 2020. Au
total, sa régression atteint 18,9 % sur l’ensemble du premier semestre
et son glissement annuel s’écroule à - 19 %. Du jamais vu dans
l’Histoire contemporaine de la France.
Pour encore mieux mesurer l’ampleur des dégâts, soulignons que le niveau
du PIB français réel (c’est-à-dire hors inflation) du deuxième trimestre
2020 se situe sur un plancher depuis le deuxième trimestre… 2002 ! Non,
vous ne rêvez pas : les 55 jours de confinement national ont projeté la
France 18 ans en arrière. De plus, restons éveillés : en dépit d’un
rebond technique de rattrapage en juin, le redressement de l’économie
française sera lent et chaotique. En effet, n’oublions pas que le
déconfinement reste progressif et que, malheureusement, de nombreux
secteurs d’activité demeureront durablement en récession. A commencer
par le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’évènementiel, sans
oublier le transport aérien, l’aéronautique, mais aussi le luxe ou
encore l’automobile.
Il est effectivement inévitable que la grande majorité des consommateurs
mettra du temps avant d’acheter une nouvelle voiture, des biens de luxe,
mais aussi à prendre l’avion ou à séjourner dans un hôtel. De même,
avant de réinvestir massivement, les entreprises devront panser leurs
plaies et reconstituer une partie de leur trésorerie, ce qui, là aussi,
prendra du temps. En outre, n’oublions pas que les secteurs phares de
l’économie française sont justement le tourisme, le luxe, l’automobile
et l’aéronautique. Heureusement que les secteurs de l’agro-alimentaire,
de l’informatique et des services à la personne seront là pour limiter
les dégâts, même s’ils ne pourront évidemment pas permettre le retour de
la croissance forte.
Dans ce cadre, même en faisant l’hypothèse très optimiste d’un rebond du
PIB de 12 % au second semestre 2020, la variation annuelle moyenne de
celui-ci sera d’environ - 11,2 % sur l’ensemble de l’année 2020. Par la
suite, en restant toujours très optimiste et en supposant que le PIB
français connaîtra une croissance annuelle moyenne de 2,5 % à partir de
2021 (contre, rappelons-le, 1 % au cours des quinze dernières années),
la France ne retrouvera son niveau de PIB de la fin 2019 qu’en… 2025.
D’ici là, le taux de chômage augmentera durablement vers des niveaux
inconnus d’au moins 15 %. Pour mémoire, son sommet historique a été
atteint au deuxième trimestre 1994 à 10,8 %. C’est dire l’ampleur de la
crise sociale et sociétale qui nous attend.
Et ce d’autant plus que, dans le même temps, les déficits publics vont
également flamber sur des cimes inconnues d’environ 15 % du PIB, ce qui
amènera la dette publique vers des pics tout aussi inexplorés de 125 %
du PIB dès 2020. Dès lors, en dépit de l’aide de la BCE, qui sera
d’ailleurs de moins en moins efficace, les taux d’intérêt des
obligations de l’Etat français se tendront fortement, cassant de facto
la reprise et aggravant mécaniquement le chômage, les déficits et la
dette, ce qui alimentera par là même un cercle pernicieux de plus en
plus destructeur.
Malheureusement, la France est donc en train de tomber dans un scénario
catastrophe a priori irréversible : déjà structurellement affaiblie par
une croissance intrinsèquement molle, elle-même liée à un poids
exorbitant des impôts et une dépense publique massive et peu efficace,
la France a été frappée par une épidémie de coronavirus dramatiquement
meurtrière, mais aussi très mal gérée, en particulier d’un point de vue
sanitaire.
Une union sacrée ?
Tentant de rattraper son retard et sa gestion hasardeuse de la crise par
un confinement extrême, elle est alors tombée dans une récession, puis
une dépression historique, de laquelle elle sortira péniblement et
encore plus affaiblie. De la sorte, elle est désormais menacée par une
multiplicité de crises : sociales, politiques, financières et sociétales.
Face à cette « descente aux enfers » de notre beau pays, une question
demeure : est-il encore possible d’inverser la vapeur et de sortir par
le haut de cette spirale infernale ? Étant de nature optimiste (en dépit
de certaines apparences), je dirai que c’est encore faisable si une
prise de conscience nationale s’opère et qu’une sorte d’union sacrée
s’impose tant au niveau de la classe politique que des partenaires
sociaux et de la société française dans son ensemble.
Le problème est que cette dernière est tellement engoncée dans la
culture de la « lutte des classes », dans l’absence de patriotisme et
dans l’inculture économique que la probabilité d’une telle sortie de
crise est particulièrement faible. En d’autres termes, nous risquons
désormais de payer des décennies d’erreurs stratégiques et de déni de
réalité.
Marc Touati est économiste, Président du cabinet ACDEFI. Son dernier
livre « Un monde de bulles » est toujours en tête des ventes de sa
catégorie sur Amazon.fr. Son nouveau livre « RESET – Quel nouveau monde
pour demain ? » sortira le 2 septembre 2020