abourick
2008-10-03 14:34:14 UTC
<http://www.sur-la-toile.com/discussion-70161-1-Questions-sur-M.-Denton-et-2-objections-au-darwinisme.html>
Bonjour à tous,
ayant lu les deux ouvrages de Michael Denton, "Evolution : une théorie
en crise" et "L'évolution a-t-elle un sens ?", j'ai synthétisé
ci-dessous pour un article 2 objections qu'il oppose au darwinisme, et
qui m'ont troublé. J'aimerais savoir quelles réponses ont été proposées
à ces arguments, étant entendu que je ne les ai pas trouvées sur la toile.
Merci si vous les connaissez ou pouvez m'indiquer des liens précis sur
ces deux objections (les pages attaquant en général Denton sont un peu
hors-sujet, ce qui m'intéresse c'est les 2 points précis soulevés
ci-après, c'est un peu spécialisé mais je crois intéressant de faire le
point là-dessus).
1ère objection : les gènes pléiotropiques
La théorie darwinienne dépend d'un certain nombre d'hypothèses
sous-jacentes, dont l'une au moins est critiquable. Contrairement à ce
que l'on pouvait penser lors de la découverte de l'ADN, il n'y a pas
correspondance entre un gène et une fonction : « Il est devenu de plus
en plus clair, avec les progrès en génétique et en embryologie, que la
plupart des composantes d'un organisme (sont) polygéniques (c'est-à-dire
édifiés au moyen de très nombreux gènes) et que la plupart des gènes
(sont) pléiotropiques (c'est-à-dire influencent plus d'un caractère) »
(2) Dans les cas importants, lorsqu'un seul gène est modifié, c'est
toute l'architecture génétique de l'organisme qui devrait être
réarrangée. Denton cite quelques exemples parlants. Entre autres, la
.mutation wingless chez le poulet. En modifiant un gène censé commander
le développement de la crête, on obtient des effets inattendus,
affectant différents systèmes. Le poulet modifié a des moignons à la
place des ailes, les doigts de ses pattes arrières sont soudés les uns
aux autres, l'urètre n'atteint pas sa taille normale, le couvert de
duvet se développe peu, etc. En quoi cette « propriété pléiotropique »
du gène pose-t-elle problème au darwinisme ?
Le néo-darwinisme classique, théorie standard en biologie depuis les
années 60, sous-entend que l'on peut modifier les organismes de façon
modulaire : en ajoutant un gène, l'on ajoute ou l'on change une
caractéristique définie et en principe prévisible. C’est de cette façon
que les espèces se transforment, et que de nouvelles espèces
apparaîtraient au fur et à mesure que des gènes isolés se modifieraient.
(...) Tout organisme forme un ensemble intégré, chaque partie fortement
interreliée à toutes les autres, un peu comme dans une montre. Plus un
système complexe est interrelié, plus il résiste aux changements. Si
l'on change un seul rouage dans le ventre d'une horloge, il faut
réarranger l'ensemble des pièces et des ressorts. (...)
Des années 1970 à nos jours, le même problème demeure et semble en passe
de s'avccentuer : l'idée que les mutations accidentelles de quelques
gènes isolés suffiraient à expliquer des modifications insensibles et
positives s’avère de moins en moins tenable. (...) Il faut donc la
transformation et le réarrangement simultanés de vaste ensembles de
gènes pour aboutir à un changement viable (et transmissible), surtout si
c'est la création d'une espèce nouvelle. Le hasard pouvait expliquer que
quelques gènes se modifient au gré des multiples générations et des
accidents de transmission, mais il est impossible d'utiliser ce modèle
pour rendre compte de changements importants : comment le hasard
pourrait-il expliquer les mutations simultanées de plusieurs groupes de
gènes, formant alors un organe "clef en mains" ou un comportement adapté ?
2ème objection : l'oeil de la langouste
Admettons pourtant qu'il y ait passage insensible, par essais et
erreurs, d'un type de modification hasardeuse, favorisée par sélection
naturelle, vers un nouvel organe complexe. C'est la théorie gradualiste
: à la condition de supposer une série suffisamment grande
d'intermédiaires différant entre eux de façon minime, on peut faire
découler n'importe quoi de n'importe quoi d'autre ! On postule par
exemple qu'à partir d'une cellule photosensible sélectionnée, on
aboutira à un œil. Mais là encore de nombreux problèmes semblent
invalider cette hypothèse : « (...) pour qu'un œil - ou toute autre
composante d'un système complexe - puisse passer graduellement d'un état
à un autre par une série d'intermédiaires, il faut nécessairement
qu'aient lieu des changements compensateurs simultanés dans d'autres
systèmes interagissant avec cet organe particulier. » (5) Sans oublier
qu'il existe dans de nombreux cas des barrières physiques qui empêchent
un passage graduel entre deux formes différentes.
Ainsi, la théorie de la sélection naturelle doit être cadrée. Denton ne
nie pas l'existence de certains changements limités à l'intérieur d'une
même espèce. Mais il met sérieusement en doute la possibilité de
macro-évolutions et de passages progressifs entre espèces. A l'époque où
paraît Evolution : une théorie en crise, on a toujours pas trouvé de
fossiles montrant ce passage inter espèces. Les animaux découverts
concernent des variations à l'intérieur d'un même type, le petit cheval
se transformant peu à peu en grand cheval, avec une graduation
suggestive de fossiles.
EST-CE BIEN VRAI ?? --> Quant aux divers animaux originaires à partir
desquels se seraient développés plusieurs espèces distinctes, prévus par
la théorie évolutionniste, on n'en aurait pas trouvé de traces suffisantes.
Allons plus loin. Même lorsqu'il s'agit de rendre compte de l'apparition
d'organes nouveaux au sein d'une même branche zoologique, le
.~.darwinisme rencontre parfois des obstacles. Denton passe un chapitre
de son ouvrage récent à étudier le problème de l'œil de la langouste.
Chez deux races voisines de crustacés, on constate que leurs yeux
utilisent un principe optique différent. Pour les langoustes, il s'agit
d'unités visuelles carrées : elles sont composées d'unités oculaires
consistant en un minuscule tube de section carrée, à peu près deux fois
plus long que large et dont les faces latérales sont des miroirs plans.
Les rayons lumineux sont réfléchis par les miroirs latéraux pour
converger sur un même point de la rétine. Or chez la grande majorité des
crustacés, les unités oculaires sont rondes ou hexagonales, fondées sur
le principe de la réfraction. On ne trouve aucun type intermédiaire
entre ces genres d'yeux. Il n'y a non plus pas trace de fossiles dotés
de cet organe de transition ! Voilà bien le point gênant : on ne peut
guère concevoir ce que serait cet œil entre celui qui fonctionne selon
le principe de réflexion et celui qui utilise la réfraction « (...) tant
diffèrent leurs agencements respectifs sur le plan de la géométrie et du
fonctionnement optique. L'unité oculaire d'un type d'œil de transition
devrait à la fois se situer à mi-chemin entre l'hexagone et le carré, à
mi-chemin entre la lentille réfractante et la surface réfléchissante, et
néanmoins posséder les propriétés optiques nécessaires à la formation
d'une image. » (6) Sans oublier que ce système visuel inédit posséderait
une efficacité adaptative supérieure à son prédecesseur !
Cet exemple très spécifique amène Denton à une conclusion importante.
Dans l'état actuel des connaissances, seul un changement par saut
brusque, impliquant une grande série de mutations simultanées et
ordonnées, pourrait rendre compte du passage entre ces systèmes visuels.
Nous arrivons donc à ce que Denton cherche à démontrer.
L'idée d'une adaptation par simple hasard ne cadrerait ni avec les
connaissances génétiques, ni avec les fouilles et les observations. En
considérant sans préjugé l'état le plus récent de la biologie, on serait
conduit à supposer qu'il existe une "évolution orientée". Chaque espèce
formerait un archétype, avec des variations possibles mais sans
changement fondamental menant de l'une à l'autre.
--------------------------------------------------------------------------------
1 Voir Michael Denton, Evolution, une théorie en crise, éditions
Flammarion, collection Champs, et L'évolution a-t-elle un sens ?,
éditions Fayard 1997.
2 Op.cit., page 450.
3 Op.cit., page 442
4 In Le darwinisme aujourd'hui, Le Seuil, coll. Point-Science.
5 Denton, op.cit., page 476.
Bonjour à tous,
ayant lu les deux ouvrages de Michael Denton, "Evolution : une théorie
en crise" et "L'évolution a-t-elle un sens ?", j'ai synthétisé
ci-dessous pour un article 2 objections qu'il oppose au darwinisme, et
qui m'ont troublé. J'aimerais savoir quelles réponses ont été proposées
à ces arguments, étant entendu que je ne les ai pas trouvées sur la toile.
Merci si vous les connaissez ou pouvez m'indiquer des liens précis sur
ces deux objections (les pages attaquant en général Denton sont un peu
hors-sujet, ce qui m'intéresse c'est les 2 points précis soulevés
ci-après, c'est un peu spécialisé mais je crois intéressant de faire le
point là-dessus).
1ère objection : les gènes pléiotropiques
La théorie darwinienne dépend d'un certain nombre d'hypothèses
sous-jacentes, dont l'une au moins est critiquable. Contrairement à ce
que l'on pouvait penser lors de la découverte de l'ADN, il n'y a pas
correspondance entre un gène et une fonction : « Il est devenu de plus
en plus clair, avec les progrès en génétique et en embryologie, que la
plupart des composantes d'un organisme (sont) polygéniques (c'est-à-dire
édifiés au moyen de très nombreux gènes) et que la plupart des gènes
(sont) pléiotropiques (c'est-à-dire influencent plus d'un caractère) »
(2) Dans les cas importants, lorsqu'un seul gène est modifié, c'est
toute l'architecture génétique de l'organisme qui devrait être
réarrangée. Denton cite quelques exemples parlants. Entre autres, la
.mutation wingless chez le poulet. En modifiant un gène censé commander
le développement de la crête, on obtient des effets inattendus,
affectant différents systèmes. Le poulet modifié a des moignons à la
place des ailes, les doigts de ses pattes arrières sont soudés les uns
aux autres, l'urètre n'atteint pas sa taille normale, le couvert de
duvet se développe peu, etc. En quoi cette « propriété pléiotropique »
du gène pose-t-elle problème au darwinisme ?
Le néo-darwinisme classique, théorie standard en biologie depuis les
années 60, sous-entend que l'on peut modifier les organismes de façon
modulaire : en ajoutant un gène, l'on ajoute ou l'on change une
caractéristique définie et en principe prévisible. C’est de cette façon
que les espèces se transforment, et que de nouvelles espèces
apparaîtraient au fur et à mesure que des gènes isolés se modifieraient.
(...) Tout organisme forme un ensemble intégré, chaque partie fortement
interreliée à toutes les autres, un peu comme dans une montre. Plus un
système complexe est interrelié, plus il résiste aux changements. Si
l'on change un seul rouage dans le ventre d'une horloge, il faut
réarranger l'ensemble des pièces et des ressorts. (...)
Des années 1970 à nos jours, le même problème demeure et semble en passe
de s'avccentuer : l'idée que les mutations accidentelles de quelques
gènes isolés suffiraient à expliquer des modifications insensibles et
positives s’avère de moins en moins tenable. (...) Il faut donc la
transformation et le réarrangement simultanés de vaste ensembles de
gènes pour aboutir à un changement viable (et transmissible), surtout si
c'est la création d'une espèce nouvelle. Le hasard pouvait expliquer que
quelques gènes se modifient au gré des multiples générations et des
accidents de transmission, mais il est impossible d'utiliser ce modèle
pour rendre compte de changements importants : comment le hasard
pourrait-il expliquer les mutations simultanées de plusieurs groupes de
gènes, formant alors un organe "clef en mains" ou un comportement adapté ?
2ème objection : l'oeil de la langouste
Admettons pourtant qu'il y ait passage insensible, par essais et
erreurs, d'un type de modification hasardeuse, favorisée par sélection
naturelle, vers un nouvel organe complexe. C'est la théorie gradualiste
: à la condition de supposer une série suffisamment grande
d'intermédiaires différant entre eux de façon minime, on peut faire
découler n'importe quoi de n'importe quoi d'autre ! On postule par
exemple qu'à partir d'une cellule photosensible sélectionnée, on
aboutira à un œil. Mais là encore de nombreux problèmes semblent
invalider cette hypothèse : « (...) pour qu'un œil - ou toute autre
composante d'un système complexe - puisse passer graduellement d'un état
à un autre par une série d'intermédiaires, il faut nécessairement
qu'aient lieu des changements compensateurs simultanés dans d'autres
systèmes interagissant avec cet organe particulier. » (5) Sans oublier
qu'il existe dans de nombreux cas des barrières physiques qui empêchent
un passage graduel entre deux formes différentes.
Ainsi, la théorie de la sélection naturelle doit être cadrée. Denton ne
nie pas l'existence de certains changements limités à l'intérieur d'une
même espèce. Mais il met sérieusement en doute la possibilité de
macro-évolutions et de passages progressifs entre espèces. A l'époque où
paraît Evolution : une théorie en crise, on a toujours pas trouvé de
fossiles montrant ce passage inter espèces. Les animaux découverts
concernent des variations à l'intérieur d'un même type, le petit cheval
se transformant peu à peu en grand cheval, avec une graduation
suggestive de fossiles.
EST-CE BIEN VRAI ?? --> Quant aux divers animaux originaires à partir
desquels se seraient développés plusieurs espèces distinctes, prévus par
la théorie évolutionniste, on n'en aurait pas trouvé de traces suffisantes.
Allons plus loin. Même lorsqu'il s'agit de rendre compte de l'apparition
d'organes nouveaux au sein d'une même branche zoologique, le
.~.darwinisme rencontre parfois des obstacles. Denton passe un chapitre
de son ouvrage récent à étudier le problème de l'œil de la langouste.
Chez deux races voisines de crustacés, on constate que leurs yeux
utilisent un principe optique différent. Pour les langoustes, il s'agit
d'unités visuelles carrées : elles sont composées d'unités oculaires
consistant en un minuscule tube de section carrée, à peu près deux fois
plus long que large et dont les faces latérales sont des miroirs plans.
Les rayons lumineux sont réfléchis par les miroirs latéraux pour
converger sur un même point de la rétine. Or chez la grande majorité des
crustacés, les unités oculaires sont rondes ou hexagonales, fondées sur
le principe de la réfraction. On ne trouve aucun type intermédiaire
entre ces genres d'yeux. Il n'y a non plus pas trace de fossiles dotés
de cet organe de transition ! Voilà bien le point gênant : on ne peut
guère concevoir ce que serait cet œil entre celui qui fonctionne selon
le principe de réflexion et celui qui utilise la réfraction « (...) tant
diffèrent leurs agencements respectifs sur le plan de la géométrie et du
fonctionnement optique. L'unité oculaire d'un type d'œil de transition
devrait à la fois se situer à mi-chemin entre l'hexagone et le carré, à
mi-chemin entre la lentille réfractante et la surface réfléchissante, et
néanmoins posséder les propriétés optiques nécessaires à la formation
d'une image. » (6) Sans oublier que ce système visuel inédit posséderait
une efficacité adaptative supérieure à son prédecesseur !
Cet exemple très spécifique amène Denton à une conclusion importante.
Dans l'état actuel des connaissances, seul un changement par saut
brusque, impliquant une grande série de mutations simultanées et
ordonnées, pourrait rendre compte du passage entre ces systèmes visuels.
Nous arrivons donc à ce que Denton cherche à démontrer.
L'idée d'une adaptation par simple hasard ne cadrerait ni avec les
connaissances génétiques, ni avec les fouilles et les observations. En
considérant sans préjugé l'état le plus récent de la biologie, on serait
conduit à supposer qu'il existe une "évolution orientée". Chaque espèce
formerait un archétype, avec des variations possibles mais sans
changement fondamental menant de l'une à l'autre.
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1 Voir Michael Denton, Evolution, une théorie en crise, éditions
Flammarion, collection Champs, et L'évolution a-t-elle un sens ?,
éditions Fayard 1997.
2 Op.cit., page 450.
3 Op.cit., page 442
4 In Le darwinisme aujourd'hui, Le Seuil, coll. Point-Science.
5 Denton, op.cit., page 476.